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Un enregistrement paneuropéen des groupements d’extrême droite?

Questions parlementaires Justice et sécurité Gusty Graas

Lors de sa réunion en octobre, le Conseil « Justice et Affaires intérieures » s’est penché sur le problème de la menace de l’extrême-droite en Europe. « Europol » a récemment lancé un avertissement que certains groupements extrémistes seraient en train de recruter des militaires et des personnes expérimentées de services de sécurité. Dans ce contexte, la présidence finlandaise du Conseil européen exige une démarché commune et demande à établir un aperçu général sur le développement de l’extrémisme violent en Europe.

Dans ce contexte, notre député Gusty Graas a posé quelques questions à Madame la Ministre de la Justice et à Monsieur le Ministre délégué à la Sécurité intérieure.

Question: 

Monsieur le Président,

Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 83 de notre Règlement interne, je souhaite poser la question parlementaire suivante à Monsieur le Ministre délégué à la Sécurité intérieure et à Madame la Ministre de la Justice :

« Lors de sa réunion du 7 et 8 octobre 2019 à Luxembourg, le Conseil « Justice et Affaires intérieures » s’est penché sur le problème de la sécurité intérieure et plus particulièrement sur la menace de l’extrême droite en Europe.

Récemment, « Europol » a averti que certains groupements extrémistes seraient en train de recruter des militaires et des personnes expérimentées de services de sécurité.

Dans ce contexte, la présidence finlandaise du Conseil européen exige une démarché commune et demande à établir un aperçu général sur le développement de l’extrémisme violent en Europe.

De même, certains États-membres ainsi que la Commission européenne ont critiqué le fait qu’il n’existait pas encore de définition proprement dite de l’extrémisme violent, ce qui poserait problème à établir des statistiques concluantes. Pourtant, la presse relève que d’autres États-membres seraient contre une démarche commune.

Dans ce contexte, j’aimerais poser quelques questions à Madame la Ministre de la Justice et à Monsieur le Ministre délégué à la Sécurité intérieure :

  • Quelle est la position du Luxembourg concernant un enregistrement paneuropéen des groupements d’extrême droite ?
  • Est-ce que le Luxembourg a une définition claire et nette de ce qu’est un acte criminel d’extrême droite ?
  • Existe-t-il une statistique des actes criminels d’extrême droite?
  • Dans l’affirmative, combien de cas ont pu être registrés les dernières années ? Peut-on parler d’une certaine tendance au fil des années ?
  • Quelle est la stratégie du gouvernement pour lutter contre les discours haineux sur les médias sociaux ? »

Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma très haute considération.

Gusty GRAAS
Député

 

Réponse conjointe de Monsieur le Ministre de la Sécurité intérieure François BAUSCH et Madame la Ministre de la Justice Sam TANSON à la question parlementaire n° 1606 du 13 décembre 2019 de Monsieur le Député Gusty GRAAS au sujet des groupements d’extrême droite

Le Gouvernement porte une grande attention au respect de la personne humaine et de sa dignité dans le contexte de la liberté d’expression.

Même si le Luxembourg ne dispose pas d’une définition claire de ce que constitue un « acte criminel d’extrême droite », le terrorisme est défini à l’article 135-1 du Code pénal, tandis que l’article 454 définit la discrimination et l’article 457-1 incrimine les discours haineux en prévoyant des peines contre quiconque qui « soit par des discours, cris ou menaces proférés dans des lieux ou réunions publics, soit par des écrits, imprimés, dessins, gravures, peintures, emblèmes, images ou tout autre support de l'écrit, de la parole ou de l'image vendus ou distribués, mis en vente ou exposés dans des lieux ou réunions publics, soit par des placards ou des affiches exposés au regard du public, soit par tout moyen de communication audiovisuelle, incite aux actes prévus à l'article 455, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne, physique ou morale, d'un groupe ou d'une communauté ». Compte tenu du fait que qu’il s’avère difficile de définir et de classifier un tel acte, la Police grand-ducale ne dispose pas de statistiques sur ce sujet.

Il échet également de mentionner que la Cour de justice de l’Union européenne a récemment jugé que les médias sociaux tels que Facebook doivent procéder au blocage de l’accès à tout contenu qui serait identique ou équivalent à un contenu précédemment jugé illicite par les tribunaux (Arrêt de la Cour du 3 octobre 2019, Eva Glawischnig-Piesczek contre Facebook Ireland Limited, C-18/18). Cet arrêt confirme donc que l’Internet et plus particulièrement les réseaux sociaux ne sont pas des zones de non-droit (rechtsfreier Raum). L’arrêt montre aussi que des responsabilités particulières incombent aux plateformes de réseau social qui doivent prendre des mesures concrètes pour supprimer des informations illicites et protéger efficacement la réputation et l’honneur d’une personne visée par des propos diffamatoires.

En ce qui concerne les médias audiovisuels, la loi modifiée du 27 juillet 1991 sur les médias électroniques (art. 26bis) interdit explicitement l’incitation à la haine dans tous les services de médias audiovisuels et sonores. La nouvelle directive 2018/1808 du Parlement européen et du Conseil du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels prévoit d’ailleurs des règles plus strictes en matière de lutte contre les discours haineux. Les plateformes de partage de vidéos devront, en effet, prendre des mesures pour protéger le grand public des vidéos comportant une incitation à la violence ou à la haine.

En outre, la loi du 8 juin 2004 sur la liberté d'expression dans les médias prévoit une obligation d'exactitude et de véracité. Finalement, la loi luxembourgeoise confère explicitement au Conseil de Presse le devoir d'élaborer des normes journalistiques communes en publiant un "Code de déontologie" applicable à tous les journalistes et éditeurs professionnels, qui les oblige à « respecter et à défendre la dignité humaine de chaque individu » et de ne pas « glorifier les crimes, le terrorisme et autres actes de cruauté ou de violence ». Enfin, l’Autorité luxembourgeoise indépendante de l’audiovisuel (ALIA) est compétente pour traiter des plaintes concernant l’incitation à la haine fondée sur la race, le sexe, l’opinion, la religion ou la nationalité dans les services de médias audiovisuels ou sonores.

Le Gouvernement estime qu’un des meilleurs moyens pour lutter contre la désinformation et les discours haineux est de garantir que les citoyens soient à même de distinguer les informations pertinentes et fiables des contenus trompeurs. Il préconise une large approche dans l’éducation aux médias qui s’adresse tant aux jeunes qu’aux adultes. De nombreux acteurs (ALIA, Education nationale, BEE SECURE, Digital Inclusion, SNJ, …) sont ainsi très actifs dans ce domaine.

Le Gouvernement vise également à promouvoir le journalisme de qualité par le biais d’un cadre réglementaire et financier adéquat afin de garantir que le public ait accès à des sources d'information fiables et pluralistes, tout en veillant à ce qu’un tel cadre ne limite pas l’indépendance éditoriale et fonctionnelle des médias.

Enfin, même si toutes ces initiatives se sont révélées très fructueuses au niveau national, elles doivent être complétées par des mesures au niveau européen, en raison de la nature transfrontalière du monde en ligne, tout en étant encadrées de sorte à préserver et garantir la liberté d’expression.


Gusty Graas