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Les stations d'épuration comme producteurs d'électricité?

Questions parlementaires Protection du climat et politique énergétique Développement durable, nature et environnement Max Hahn

Les stations d'épuration émettent des quantités non-négligeables de gaz à effet de serre, dont notamment du protoxyde d'azote, un gaz 300 fois plus nuisible au climat que le dioxyde de carbone. En même temps, ce gaz peut être utilisé pour produire de l'électricité. Dans ce contexte, le député du DP Max Hahn s'est renseigné auprès de la ministre compétente quelle était la situation au Luxembourg en la matière.

Question

Monsieur le Président,

Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 83 de notre Règlement interne, je souhaite poser la question parlementaire suivante à Madame la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable :

« D’après la littérature scientifique, les stations d’épuration traitant les eaux usées constituent une source non-négligeable de gaz à effet de serre. Tandis que les émissions en dioxyde de carbone sont mineures, des quantités importantes de méthane et de protoxyde d’azote sont émises, des gaz qui sont 25 respectivement 300 fois plus nuisibles au climat que le CO2.

À noter qu’il existe des méthodes pour produire de l’électricité tant du méthane que du protoxyde d’azote. À ce titre l’accord de coalition stipule que « Les stations d’épuration et les stations de potabilisation de l’eau (…) produiront de l’énergie renouvelable (…) ».

Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Madame la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable :

  • Madame la Ministre peut-elle fournir des informations sur le bilan climatique des stations d’épuration au Luxembourg ? Combien de gaz à effet de serre y est produit par an ?
  • Combien de stations d’épuration disposent d’installations de réception pour les différents gaz à effet de serre émis ?
  • Le cas échéant, combien de stations utilisent le gaz récupéré pour la production d’énergie ?
  • Est-il prévu d’équiper toutes les stations d’épuration d’installations de réception ?
  • Est-il prévu d’encourager la production d’énergie sur base des gaz récupérés pour atteindre l’objectif soulevé dans l’accord de coalition ? »

Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma très haute considération.

 

Max HAHN

Député

 

Réponse de la Ministre de l’Environnement, du Climat et du Développement durable à la question parlementaire n°1225 du 20 septembre 2019 de l’honorable député Monsieur Max Hahn

Madame la Ministre peut-elle fournir des informations sur le bilan climatique des stations d'épuration au Luxembourg ? Combien de gaz à effet de serre y est produit par an ?

En 2017, les émissions de gaz à effet de serre provenant de la gestion des eaux usées s’élevaient à 114 tonnes de méthane (0,48% des émissions nationales de méthane) et 14 tonnes de protoxyde d’azote (1,3% des émissions nationales de protoxyde d’azote). En termes de CO2 équivalents, la somme des émissions de méthane et de protoxyde d’azote correspond à un total de 7.129 tonnes, soit 0,07% des émissions nationales anthropogènes de gaz à effet de serre.1 Les émissions de gaz à effet de serre provenant de la gestion des eaux usées sont donc négligeables par rapport aux autres sources d’émissions au Luxembourg comme par exemple le secteur du transport routier, ou encore l’agriculture.

La principale raison pour ces faibles émissions est que le traitement des eaux usées urbaines au Luxembourg utilise principalement des procédés aérobies comme les boues activées ou la biofiltration. Par conséquent, il n'y a pas ou peu d'émissions de méthane, puisque ces émissions ne se produisent que dans des conditions anaérobies. Dans ces installations, la stabilisation des boues est réalisée afin d'éviter une putréfaction incontrôlée. Dans les installations d'une capacité de traitement inférieure à 30.000 équivalents-habitants (EH), la stabilisation s'effectue généralement par voie aérobie, avec consommation d'oxygène et d'énergie, tandis que pour les installations équipées d'un système de traitement supérieur à 30.000 EH, la stabilisation s'effectue normalement en anaérobiose avec production de méthane. Le gaz produit est habituellement utilisé pour la récupération d'énergie dans les systèmes de production combinée de chaleur et d'électricité ou peut être brûlé à la torche.

En 2017, 97% de la charge totale (990.600 EH) traitée par les stations d’épurations était basée sur des procédés aérobies.

En ce qui concerne les émissions de protoxyde d’azote (N2O), celles-ci sont principalement dues au contenu en azote des eaux usées, et donc en relation directe avec l'apport moyen en azote par habitant. Les émissions de N2O provenant du traitement des eaux urbaines résiduaires sont calculées en distinguant les eaux usées provenant des populations :

  • non raccordées à une station d'épuration des eaux usées,
  • connectées à une station d'épuration sans dénitrification,
  • connectées à une station d'épuration avec dénitrification.

En 2017, les émissions de N2O étaient en baisse de 24,5% par rapport à 1990 dus aux efforts de réduction du nombre de ménages avec une fosse septique et à l’augmentation du nombre de ménages raccordés à une station d’épuration avec dénitrification, dont le taux de réduction d’azote doit atteindre un minimum de 75%.2

Combien de stations d'épuration disposent d'installations de réception pour les différents gaz à effet de serre émis ?

Vu les chiffres énumérés sous point 1 aucune station d’épuration ne collecte directement les gaz à effet de serre émis par les bassins du traitement des eaux usées. Par contre certaines stations d’épuration disposent d’installations pour capturer les gaz en provenance de la digestion/stabilisation de boues d’épuration avant leur transport dans les filières appropriées. Il s’agit actuellement de 9 stations, 3 nouvelles stations en construction disposeront des mêmes installations.

Ainsi, en 2017, 75.1 TJ de gaz en provenance du traitement des boues de stations d’épuration ont été capturées et utilisés pour produire de l’électricité et de la chaleur injectée dans le réseau public respectivement utilisée directement dans le processus de traitement des eaux usées.

Le cas échéant, combien de stations utilisent le gaz récupéré pour la production d'énergie ?

Les 12 stations mentionnées sous point 2 produisent de l’énergie en utilisant les gaz des installations de traitement de boues.

Est-il prévu d'équiper toutes les stations d'épuration d'installations de réception ?

Seulement les plus grandes stations d’épuration disposent d’une installation de traitement pour les boues d’épuration de façon centralisée et récupèrent les boues des stations d’épuration où la quantité produite ne justifie pas un traitement décentralisé. Par conséquent il n’est ni prévu ni nécessaire d’équiper toutes les stations par ces installations.

Est-il prévu d'encourager la production d'énergie sur base des gaz récupérés pour atteindre l'objectif soulevé dans l'accord de coalition ?

L’efficience énergétique des stations d’épuration est depuis longtemps un but important lors de leur construction en tenant compte des récupérations de gaz, chaleur et énergie ainsi que d’éviter un gaspillage d’énergie en faisant recours à des pompes, compresseurs et diffuseurs efficients. Il faut reconnaitre que même avec ces efforts, l’épuration des eaux est et reste un processus énergivore. Avec l’introduction d’une quatrième étape de traitement visant à réduire les émissions des micropolluants, la consommation énergétique pour le traitement des eaux usées croîtra davantage et les efforts d’augmenter l’efficience énergétique de tous les procédés resteront une priorité. Comme indiqué auparavant, les nouvelles et grandes stations d’épuration sont, respectivement vont être, équipées d’installation de traitement de boues avec récupération de gaz.

1Source: inventaire national des émissions de gaz à effet de serre soumis à la CCNUCC en avril 2019, https://unfccc.int/documents/194915

2Règlement grand-ducal modifié du 13 mai 1994 relatif au traitement des eaux urbaines résiduaires transposant la Directive 91/271/CEE du Conseil, du 21 mai 1991, relative au traitement des eaux urbaines résiduaires


Max Hahn