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Quelles conséquences du mois d'avril très sec?

Questions parlementaires Développement durable, nature et environnement Max Hahn Gusty Graas

Cet avril a été très sec. Les députés DP Max Hahn et Gusty Graas demandent aux ministres de l'environnement et de l'agriculture quelles en sont les conséquences pour les agriculteurs et les vignerons.

Question

Monsieur le Président,

Nous avons l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 80 de notre Règlement interne, nous souhaitons poser la question parlementaire suivante à Madame la Ministre de l’Environnement et à Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs:

« Selon les informations de MeteoLux, le mois d’avril 2017 a présenté un cumul mensuel de précipitations le plus faible jamais enregistré pour ce mois. En effet, seulement 3,9 l/m2 ont été mesurés à la station météorologique de Findel-Aéroport par rapport à une moyenne à long-terme de 58,2 l/m2 (1981-2010).

Voilà pourquoi nous aimerions poser les questions suivantes à Madame la Ministre de l’Environnement et à Monsieur le Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs:

  • Les Ministres peuvent-ils fournir des statistiques sur l’évolution des cotes des différents cours d’eaux du pays et sur celle des réserves du Lac de la Haute-Sûre depuis janvier 2017 ?
  • Peuvent-ils confirmer que ces derniers mois ont été particulièrement secs ?
  • Quelles sont les conséquences pour les activités des agriculteurs et des vignerons ?
  • Au vu des données, est-il nécessaire de mettre en place des mesures de sensibilisation auprès du public quant à cette thématique ? »

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre très haute considération.

Max HAHN et Gusty GRAAS
Députés

Réponse commune de la Ministre de l'Environnement et du Ministre de l’Agriculture, de la Viticulture et de la Protection des consommateurs à la question parlementaire n°2967 du 8 mai 2017 des honorables députés Messieurs Max Hahn et Gusty Graas

Considérant la situation météorologique extraordinaire de ce printemps les honorables députés s’interrogent sur les conséquences de la sécheresse actuelle et de ses conséquences potentielles sur les activités des agriculteurs et des vignerons ainsi que sur l’alimentation en eau potable en général.

Les ministres peuvent-ils fournir des statistiques sur l'évolution des niveaux des différents cours d'eaux du pays et sur celle des réserves du Lac de la Haute-Sûre depuis janvier 2017 ?

Lac de la Haute-Sûre

Le niveau du lac est soumis à une régulation anthropique visant à garantir au mieux les fonctions de réservoir pour la production d’eau potable, la production d’énergie hydroélectrique et la protection contre les inondations. Cette régulation est gérée par une convention entre l’Etat et l’exploitant de la centrale hydroélectrique. La consigne de gestion du niveau du lac de la Haute-Sûre qui fait partie de la convention susmentionnée prévoit qu’au début de chaque hiver hydrologique (la période entre début octobre 2016 et fin mars 2017) le niveau du lac est abaissé à une cote inférieure ou égale à 317 m sur mer afin de garantir une protection contre les inondations. L’absence de précipitations notables durant la fin de l’année 2016 a entraîné un abaissement de la cote jusqu’à 313 m. Les précipitations en fin de janvier 2017 et début février ont suffi en peu de temps pour relever le niveau du barrage à une cote de 316 m, confirmant la tendance à la hausse mentionnée dans la réponse commune aux questions parlementaires n°2670 de l’honorable député Monsieur Gérard Anzia et n°2686 de l’honorable député Monsieur André Bauler. Finalement, l'Administration de la gestion de l'eau a accordé une dérogation à la consigne de la gestion du niveau permettant un relèvement du niveau par étapes à partir du 15 février. Par conséquent et suite aux précipitations survenues entre la mi-février et la fin mars, le niveau du lac a ainsi pu être ramené à une cote de 318 m.

Or, la consigne de la gestion du niveau du lac de la Haute-Sûre prévoit que la cote est relevée à 319,50 m lors du passage de l’hiver hydrologique à l’été hydrologique, soit pour le premier avril de chaque année, afin de sécuriser l’approvisionnement en eau potable. Le déficit de 1,5 m par rapport au niveau prévu, n’aura probablement pas d'influence substantielle sur les réserves pour l'approvisionnement en eau potable retenues dans le lac, qui sont suffisantes pour couvrir les besoins de l'année, sous condition d’un été avec une météorologie normale. Cependant en cas de pluviométrie défaillante, cette situation pourrait engendrer des situations appelant une gestion plus surveillée des réserves d'approvisionnement.

Il est évident qu’en période de végétation, la grande majorité des précipitations est absorbée par la végétation et ne contribue qu’à moindre mesure au relèvement du niveau du lac. Par conséquent, le déficit de 1,5 m par rapport à la cote optimale en début de l’été hydrologique ne pourra pas être compensé durant l’été.

En guise d’exemple, on peut citer l’année 2014, lorsque la cote présentait un déficit de 3.5 m par rapport à la cote prescrite en date du 1er avril, lorsque le déficit n’a pas pu être comblé au cours de l’été sans que ceci n’ait eu une influence sur la situation d’approvisionnement en eau potable.

Cours d’eau

Contrairement au Lac de la Haute-Sûre, les niveaux des cours d’eau sont régis directement par les précipitations, c’est-à-dire les cours d’eau reflètent les précipitations des derniers jours. Vu les très faibles quantités de précipitations qu’il y a eu entre le 1er décembre 2016 et le 30 avril 2017, les niveaux de tous les cours d’eau sont exceptionnellement bas. L’ensemble des données des stations hydrométriques servant à surveiller les niveaux des cours d’eau, représenté sur le site www.inondations.lu, montre que les niveaux d’eau se situent en dessous du niveau d’étiage moyen. Ceci correspond à une situation qui, jusqu’à présent, ne se présentait qu’en pleine période estivale. Les faibles débits et la présence des effluents constants des stations d’épuration entraînent une dilution moins importante du restant de nutriments, qui n’ont pas été éliminés par les étapes de traitement. Ceci provoque par endroits une croissance plus rapide des algues ou autres végétaux dans les lits de rivière - également un phénomène plus fréquemment observé en été. Les pluies de début mai 2017 n’étaient pas suffisantes pour soulager cette situation.

Peuvent-ils confirmer que ces derniers mois ont été particulièrement secs ?

A part le mois de novembre 2016, l’hiver hydrologique était particulièrement sec. Ainsi, le cumul de précipitations pour l’hiver hydrologique 2016-2017 n’est que de 251 mm, ce qui ne correspond qu’à 55 % de la moyenne à long terme. Avec un déficit de 127 mm ou 34%, il peut donc être confirmé qu’on se trouve dans une situation de sécheresse avérée. S’y ajoute que les mois d’avril avec une précipitation de 3.9 mm et de mai 2017 avec une précipitation de 39.7 mm étaient particulièrement secs par rapport aux moyennes annuelles qui se situent à respectivement à 58.1 mm et à 77,3 mm respectivement pour les mois d’avril et de mai.

Quelles sont les conséquences pour les activités des agriculteurs et des vignerons ?

Le stress hydrique est significatif et concerne certaines cultures agricoles en fonction de la situation géographique et pédologique. La gravité en est considérablement accrue suite aux basses températures et surtout aux gelées sévères et répétées en avril et début mai 2017.

Agriculture

  • prairies permanentes : les pertes sont très importantes. La première coupe représentant 40% de la production annuelle est retardée et nettement diminuée suite à la sécheresse combinée au froid. Dans les champs d’essais de l’Administration des services techniques de l’agriculture, les pertes s’élèvent à environ 30%. La mise en pâture du bétail a été retardée entraînant une consommation prolongée d’ensilage et une diminution des réserves fourragères pour l’hiver prochain. La qualité est cependant très bonne en raison du rayonnement solaire important et de la maturation retardée ;
  • céréales d’hiver : il y a des pertes à craindre à cause du stress hydrique et du froid. En plus, il peut y avoir une carence en azote « induite » par le manque de pluie nécessaire pour dissoudre et faire absorber l’azote apporté par les engrais. Le stress hydrique est surtout marqué sur les sols sablonneux ou superficiels. Pour les orges, des épis raccourcis sont à craindre pour l’ensemble des céréales, une réduction du nombre de talles et donc du nombre d’épis à l’hectare. Les blés sont chétifs et le tallage a été insuffisant. Le gel risque d’avoir détruit des épis ou parts d’épis. Il est encore trop tôt pour estimer les dégâts qui seront certainement très variables selon les conditions pédoclimatiques et selon la variété. Les fonds de vallées, les zones ombragées et les cuvettes ont été nettement plus exposés ;
  • céréales de printemps : la levée est irrégulière par endroits, la situation est à suivre. L’orge de printemps a visiblement souffert du froid mais il est trop tôt pour voir des dégâts ;
  • colza : le gel risque d’avoir détruit des fleurs, mais il faut suivre le développement dans les semaines à venir. La floraison prolongée a probablement permis de compenser les dégâts. Il y a cependant dans certaines parcelles des dégâts dus à la sécheresse en automne qui a conduit à une levée irrégulière et à un développement insuffisant avant l’hiver visible jusqu’à maintenant ;
  • maïs : les conditions de semis sont très bonnes, des dégâts ne sont pas encore constatés ;
  • pommes de terre : les conditions de plantation sont très bonnes, le développement est freiné voire stoppé mais des dégâts ne sont pas à craindre pour l’instant ;

Arboriculture (dégâts surtout dus au gel)

  • fruits à noyaux : les dégâts sont très importants voire totaux ;
  • fruits à pépins : les dégâts sont essentiellement dans les vergers intensifs, l’importance des dégâts varie selon les régions et les variétés. Les dégâts dépassent probablement partout les 30%, des pertes beaucoup plus graves (-70 %) sont à craindre par endroits. Les fleurs sont gelées et les vols d’insectes pollinisateurs sont insuffisants. Il faut attendre les semaines à venir pour faire une estimation plus concrète. La sécheresse a probablement accru les dégâts de gel au niveau de l’écorce des arbres, créant des fissures et par conséquent des portes d’entrée pour des maladies fongiques (p.ex. chancre) ;

Horticulture et maraîchage

Les coûts d’arrosage sont exceptionnels suite à la sécheresse persistante depuis l’automne.

  • asperges : il y a des dégâts de gel et les rendements sont diminués ;
  • fraises : les fleurs sont gelées et les rendements sont nettement diminués. Il faut attendre les semaines à venir car la floraison tardive pourra compenser une partie des pertes.

Viticulture

Une irrigation manuelle est actuellement nécessaire pour éviter le dépérissement des jeunes vignes plantées cette année. Les vignes en 2ème        et 3ème  année de plantation n’ont pas encore montré de symptômes graves à ce jour. Le problème s’aggraverait rapidement si la sécheresse persistait. Des pertes de récoltes importantes en seraient la conséquence dans les jeunes vignes inférieures à 10 ans d’âge ce qui correspond à une superficie d’environ 200 ha de vignobles.

Au vu des données, est-il nécessaire de mettre en place des mesures de sensibilisation auprès du public quant à cette thématique ?

Considérant, que l’hiver hydrologique est également la période de recharge des nappes d’eaux souterraines, la sécheresse des mois de cette période peut avoir un effet à moyen terme sur les débits des sources captées pour l’alimentation en eau potable. De plus, les fournisseurs d’eau potable registrent une demande plus élevée que d’habitude en printemps. Par conséquent il est important de sensibiliser le public afin d’encourager à une utilisation judicieuse de la ressource vitale, que représente l’eau potable. Ceci s’applique non seulement aux habitudes en cas de sécheresse et de pénurie potentielle mais également à toutes les activités humaines pendant toute l’année. Dans cet aspect, le Département de l’environnement du Ministère du Développement durable et des Infrastructures, l’Administration de la gestion de l’eau et l’ALUSEAU, en tant que représentante des fournisseurs d’eau, ont récemment lancé une telle campagne de sensibilisation. Néanmoins, en fonction des conditions météorologiques, de l’évolution des débits des sources et de la demande, il pourra s’avérer nécessaire de mettre en place des interdictions d’utilisation d’eau potable pour certaines activités non essentielles afin de maintenir une alimentation en eau potable d’une bonne qualité.

Le 30 mai 2017, le Département de l’environnement du Ministère du Développement durable et des Infrastructures, en concertation avec l’Administration de la gestion de l’eau et des majeurs fournisseurs d’eau potable, ont décidé de déclencher une « phase de vigilance » nationale, invitant les communes et citoyens à réduire la consommation en eau potable. C’est dans ce sens, qu’une circulaire a été envoyée aux communes le 31 mai 2017.

 


Max Hahn

Gusty Graas