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Est-ce que l'intelligence artificielle pourrait aider à démanteler les réseaux de pédopornographie?
La technique de l’intelligence artificielle des “réseaux antagonistes génératifs” pourrait être utilisée par la Police pour leurs enquêtes discrètes dans le darknet à la recherche de criminels de la pédopornographie. Dans ce contexte, notre député Gusty Graas a posé quelques questions aux ministres concernés.
Question:
Monsieur le Président,
Par la présente, j’ai l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 83 de notre Règlement interne, je souhaite poser la question parlementaire suivante à Madame la Ministre de la Justice et à Monsieur le Ministre délégué à la Sécurité intérieure:
« En 2018, la section « Protection de la jeunesse et infractions à caractère sexuel » de la Police grand-ducale a traité 220 affaires de pédopornographie et d’abus sexuels sur mineurs. Ceci représente une augmentation de 15 affaires par rapport à l’année 2017.
En Allemagne, le Ministère de la Justice a pris une initiative législative visant à autoriser les forces de l’ordre à utiliser du contenu pédopornographique pour leurs investigations secrètes. Le but étant de mieux pouvoir identifier et démanteler les réseaux de pédopornographie dans le darknet.
La technique de l’intelligence artificielle qui pourrait être utilisée pour la création de ce contenu s’appelle « réseaux antagonistes génératifs ». Il s’agit d’une classe d’algorithmes d’apprentissage non supervisée qui permet de générer des images avec un fort degré de réalisme.
Dans ce contexte, j’aimerais poser les questions suivantes à Madame la Ministre de la Justice et à Monsieur le Ministre délégué à la Sécurité intérieure :
- Quelle est la position du Luxembourg concernant l’utilisation des réseaux antagonistes génératifs dans la lutte contre la pédopornographie ?
- Quelle est la stratégie du gouvernement pour lutter contre la pédocriminalité ? »
Veuillez croire, Monsieur le Président, en l’expression de ma très haute considération.
Gusty GRAAS
Député
Réponse de la Ministre de la Justice et du Ministre Délégué à la Sécurité intérieure à la question parlementaire n°1640 déposée en date du 20 décembre 2019 par l’Honorable Député Gusty Graas concernant les réseaux antagonistes générateurs d’images pédopornographiques.
L’Honorable Député nous interroge quant à la pertinence d’introduire la possibilité, pour les enquêteurs en matière de crimes à caractère pédopornographique, de créer des images factices afin de permettre aux enquêteurs d’infiltrer les réseaux informatiques et de poursuivre les auteurs des infractions.
Depuis la loi du 27 juin 2018, le droit luxembourgeois connaît l’enquête sous pseudonyme par voie électronique, visée à l’article 48-26 du Code de procédure pénale et permettant, sur autorisation motivée du procureur d’État ou du juge d’instruction, d’infiltrer les échanges en ligne de personnes soupçonnées d’infractions en matière de sûreté de l’État ou de terrorisme.
Néanmoins, il convient de noter que l’enquête sous pseudonyme par voie électronique ne peut actuellement être menée que dans des hypothèses relevant de la sûreté de l’Etat ou de la lutte contre le financement du terrorisme ainsi que des actes terroristes, à l’exclusion donc de la matière pédopornographique. En l’état, le droit luxembourgeois n’admet ainsi pas cette forme d’enquête, si bien qu’il faudrait prévoir une modification législative en ce sens. Encore faut-il que celle-ci apparaisse nécessaire et adéquate par rapport à l’objectif poursuivi.
Dans ce contexte, il échet de demeurer particulièrement prudent quant aux moyens d’enquête déployés en matière de lutte contre la pédopornographie. En effet, comme le précise l’article 48-26 susmentionné, il échet de s’abstenir, sous peine de nullité de la procédure, de toute incitation à la commission d’une infraction, les seuls contenus illicites pouvant être transférés et conservés devant avoir fait l’objet d’une demande expresse en ce sens. Or, dès lors que la simple détention de matériel pédopornographique est prohibée, l’incitation à la commission d’une infraction risquerait d’être en l’occurrence rapidement qualifiée.
Enfin, le recours à ce moyen d’enquête suppose par définition la création d’images certes factices, mais représentant de façon non ambiguë des actes de pédocriminalité, dans un contexte dans lequel la première urgence est la destruction immédiate de toutes images de cette nature. De ce point de vue, il ne semble pas judicieux d’intégrer, à la masse de photos provenant d’infractions réelles, des imitations des crimes et délits en question.
En ce qui concerne les enquêtes menées, la Police Grand-Ducale n’utilise pas encore des techniques de l’intelligence artificielle. La section « Protection de la jeunesse et infractions à caractère sexuel » du Service Police Judiciaire de la Police Grand-Ducale, a pour mission de mener les enquêtes dans le domaine de la pédocriminalité. La Police adopte une approche réactive, c’est-à-dire que des enquêtes judiciaires sont entamées suite à des plaintes ou des informations reçues.
Afin de répondre aux exigences requises, les enquêteurs en charge de ce type de criminalité participent régulièrement aux stages, formations, colloques etc. organisés tant par Europol que par Interpol ou tout autre service à l’étranger et au Luxembourg.
Afin d’appuyer les enquêtes de la Police, celle-ci est dotée d’un outil informatique spécifique qui permet d’analyser des supports informatiques, notamment un logiciel de reconnaissance d’images ou de films pédopornographiques.
Fichier attaché | Taille |
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20191220_ggraas _réseaux_antagonistes_génératifs.pdf | 164.81 Ko |
1640_réponse commune.pdf | 141.76 Ko |