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Médicaments anticholinestérasiques
Question
Monsieur le Président,
J’ai l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 80 de notre Règlement interne, nous souhaitons poser la question parlementaire suivante à Monsieur le Ministre de la Sécurité sociale:
« Les médicaments anticholinestérasiques (donepezil, rivastigmine, mémantine, galantamine, etc.) sont prescrits dans les syndromes pré-démentiels et démentiels depuis plus de 15 ans.
Or, des études récentes démontrent leur inefficacité, leur possible toxicité et surtout leur prix démesuré.
Partant, nous aimerions poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre de la Sécurité sociale:
Monsieur le Ministre ne pense-t-il pas le moment venu pour dé-rembourser ces médicaments?
Monsieur le Ministre serait-il disposé à investir les sommes ainsi économisées par la CNS dans les soins psycho-sociaux et aides aux entourages et aux institutions s’occupant de ce type de malade difficile? »
Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’assurance de notre très haute considération.
Alexander KRIEPS et Edy MERTENS
Députés
Réponse du Ministre de la Sécurité sociale à la question parlementaire n° 2011 de Messieurs les députés Alexander Krieps et Edy Mertens datée du 18 avril 2016
Actuellement, deux types de médicaments indiqués dans le traitement de la maladie d’Alzheimer figurent sur la liste positive des médicaments pris en charge par l’assurance-maladie, à savoir
- Les inhibiteurs des cholinestérases inclus dans le code ATC N06DA* : le donépézil (ARICEPT et génériques), la rivastigmine (EXELON) et la galantamine (REMINYL et génériques).
- Les produits à base de mémantine inclus dans le code ATC N06DX01 (AXURA et génériques).
Selon les autorisations de mise sur le marché (AMM) de ces médicaments, leur prescription est réservée aux médecins expérimentés dans le diagnostic et le suivi de la démence de type Alzheimer. Que ce soit lors de l’instauration ou du renouvellement annuel du traitement, la prise en charge est soumise à un accord préalable du Contrôle médical (APCM), délivré sur base d’un protocole thérapeutique dûment rempli par le prescripteur, documentant le respect des indications de l’AMM.
Les inhibiteurs des cholinestérases sont indiqués dans les formes légères à modérées de la maladie d’Alzheimer ; la mémantine est réservée aux formes modérées à sévères.
Afin de surveiller l’adéquation de la prise en charge de ces médicaments avec les critères légaux[i], le Contrôle médical de la sécurité sociale (CMSS) suit de près l’évolution des connaissances scientifiques.
Le CMSS n’a pas connaissance d’études récentes démontrant l’inefficacité de ces médicaments. D’ailleurs, en présence de nouveaux éléments mettant en cause le rapport bénéfice-risques, les autorités sanitaires nationales (Ministère de la Santé) ou européennes (Agence européenne des médicaments EMA) seraient amenées à réévaluer voire supprimer les AMM de ces produits.
Or, la valeur thérapeutique des inhibiteurs des cholinestérases et de la mémantine semble être assez faible. Dans l’état actuel des connaissances[ii], les inhibiteurs des cholinestérases ont une efficacité modeste dans la maladie d’Alzheimer légère à modérée, en termes d’amélioration des fonctions cognitives, des activités de la vie journalière et du comportement. Il n’y a pas de différence notable entre les trois principes actifs disponibles. La mémantine pour sa part, n’est pas efficace dans les formes légères à modérées de la maladie d’Alzheimer mais semble améliorer les fonctions cognitives, le comportement et les activités journalières des patients atteints de la maladie d’Alzheimer sous une forme modérée à sévère.
Il appartient aux praticiens de juger au cas par cas si l’efficacité observée contrebalance suffisamment les effets indésirables éventuels. L’efficacité modeste de ces médicaments est à mettre en regard de la gravité de la maladie traitée. D’autre part, les médicaments ne constituent qu’un outil thérapeutique parmi d’autres dans la stratégie thérapeutique de la démence d’Alzheimer. Ils complètent la prise en charge psycho-sociale des patients et de leur entourage.
L’attitude des autorités luxembourgeoises en la matière est cohérente avec celle d’autorités et organismes étrangers, tels que
- La Haute Autorité de Santé (France)[iii] :
« Compte tenu de la gravité de la maladie d’Alzheimer et du possible rôle structurant du médicament dans la prise en charge globale de cette maladie, la Commission de la Transparence considère que, malgré un rapport efficacité/effets indésirables modeste, la prise en charge par la collectivité reste justifiée (service médical rendu considéré comme important) :
- pour les anticholinestérasiques (donépézil, galantamine, rivastigmine) aux stades léger, modéré et modérément sévère de la maladie d’Alzheimer ;
- et pour la mémantine aux stades modéré, modérément sévère et sévère. »
- L’Institut für Qualität und Wirtschaftlichkeit im Gesundheitswesen (IQWIG, Allemagne)[iv]:
«Die Cholinesterasehemmer Donepezil, Galantamin und Rivastigmin haben bei Patienten mit einer Alzheimer Demenz leichten bis mittleren Schweregrades einen Nutzen bezüglich des Therapieziels der kognitiven Leistungsfähigkeit. (…) Weiterhin gibt es für alle drei Substanzen Hinweise auf einen Nutzen im Hinblick auf das Therapieziel der Aktivitäten des täglichen Lebens.»
- Le Centre Fédéral d’Expertise des Soins de Santé (KCE, Belgique)[v]:
« Dans l’attente de données complémentaires sur le traitement combiné ChEI plus mémantine, le remboursement de mémantine en monothérapie doit être remis en question vu sa très faible (voire absente) efficacité clinique et compte tenu de l’absence de preuves robustes quant à son rapport coût-efficacité. Compte tenu de l’efficacité clinique relativement bien documentée mais faible des ChEIs, leur remboursement peut être poursuivi mais doit être soumis à la procédure de révision prévue réglementairement (…). A noter cependant qu’un rapport coût/efficacité solide ne peut pas être établi car les hypothèses d’efficacité clinique utilisées dans les modèles n’ont pas été confirmées par des essais cliniques. »
- Le National Institute for Health and Care Excellence (NICE, Royaume-Uni)[vi]:
“The three acetylcholinesterase (AChE) inhibitors donepezil, galantamine and rivastigmine are recommended as options for managing mild to moderate Alzheimer's disease (…).
Memantine is recommended as an option for managing Alzheimer's disease for people with: moderate Alzheimer's disease who are intolerant of or have a contraindication to AChE inhibitors or severe Alzheimer's disease. »
Ces médicaments sont actuellement remboursés dans tous les pays limitrophes
Une utilisation raisonnée est également recommandée par de nombreuses sociétés savantes, telles que :
- La Deutsche Gesellschaft für Psychiatrie und Psychotherapie, Psychosomatik und Nervenheilkunde (DGPPN) ; la Deutsche Gesellschaft für Neurologie (DGN)[vii]
- La Haute Autorité de Santé (HAS, France)[viii]
- L’European Federation of Neurological Societies (EFNS)[ix]
- L’Alzheimer Forum Schweiz[x]
- L’American College of Physicians ; l’American Academy of Family Physicians[xi]
- La British Association for Psychopharmacology[xii]
- Le College of Family Physicians of Canada[xiii]
En ce qui concerne le coût, on notera que les inhibiteurs des cholinestérases ont connu plusieurs baisses de prix au cours des dernières années, ce qui se traduit par une diminution des dépenses de l’assurance-maladie de 17% en trois ans.
Année |
2013 |
2014 |
2015 |
Coût inhib. cholinest. (€) |
2013 |
2014 |
2015 |
Coût memantine (€) |
390.096,41 |
403.672,25 |
384.020,26 |
∑ |
981.538,02 |
913.344,54 |
813.258,79 |
Ces médicaments comptent donc pour environ 0.4 à 0.5% des dépenses pour produits pharmaceutiques en dehors des hôpitaux (195 millions d’euros en 2014)[xiv].
En même temps, le nombre d’assurés ayant bénéficié d’une prise en charge est resté stable :
Année |
2013 |
2014 |
2015 |
Nbre assurés inhib. cholinest. |
1510 |
1477 |
1511 |
Nbre assurés memantine |
461 |
509 |
540 |
Nbre assurés inhib. cholin + mémantine |
168 |
146 |
110 |
∑ |
2.139 |
2.132 |
2.161 |
Ces nombres semblent cohérents avec la prévalence des maladies démentielles: selon le rapport du Comité de pilotage du plan d’action national quelque 5000 à 6000 personnes en seraient atteintes au Luxembourg[xv].
En 2015, le coût de traitement moyen par assuré s’est donc élevé à 376 € par an. Si ce coût ne semble pas démesuré, il pourrait être diminué de façon conséquente par une substitution systématique par les médicaments génériques bon marché.
[i] Art.23 du Code de la sécurité sociale : Les prestations à charge de l’assurance maladie accordées à la suite des prescriptions et ordonnances médicales doivent correspondre au mieux à l’état de santé des assurés. Elles ne peuvent dépasser l’utile et le nécessaire et doivent être faites dans la plus stricte économie compatible avec l’efficacité du traitement et être conformes aux données acquises par la science et à la déontologie médicale
[ii] DynaMed Plus. (2016, April 21). Alzheimer dementia. Ipswich, MA: EBSCO Information Services. Retrieved April 21, 2016 from http://www.dynamed.com/topics/dmp~AN~T114193/Alzheimer-dementia#Treatment
[iii] HAS. Fiche Bon Usage des Médicaments (BUM) : Les médicaments de la maladie d’Alzheimer à visée symptomatique en pratique quotidienne. 2007. http://www.has-sante.fr/portail/upload/docs/application/pdf/synthese_avis_alzheimer_031007_2007_10_05__10_24_44_497.pdf
[iv] IQWIG. Cholinesterasehemmer bei Alzheimer Demenz, Abschlussbericht 2007.https://www.iqwig.de/download/A05-19A_Abschlussbericht_Cholinesterasehemmer_bei_Alzheimer_Demenz.pdf
[v] KCE reports 111B.. Interventions pharmaceutiques et non pharmaceutiques dans la maladie d’Alzheimer : une évaluation rapide.2009.https://kce.fgov.be/sites/default/files/page_documents/d20091027328.pdf
[vi] Donepezil, galantamine, rivastigmine and memantine for the treatment of Alzheimer's disease
NICE technology appraisal guidance [TA217] Published date: 23 March 2011.https://www.nice.org.uk/guidance/ta217
[vii] DGPPN & DGN (Hrsg.) . S3 Leitlinie Demenzen. Januar 2016.
[viii] HAS. Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées: diagnostic et prise en charge. Décembre 2011.
[ix] Hort J et Al. EFNS guidelines for the diagnosis and management of Alzheimer's disease. Eur J Neurol. 2010 Oct;17(10):1236-48. doi: 10.1111/j.1468-1331.2010.03040.x.
[x] Monsch, Büla, Hermelink, Kressig, Martensson, Mosimann, Müri, Vögeli, and von Gunten.Konsensus 2012 zur Diagnostik und Therapie von Demenzkranken in der Schweiz. PRAXIS 2012 101:19, 1239-1249
[xi] Qaseem A, Snow V, Cross JT, Forciea MA, Hopkins R, Shekelle P, et al. Current Pharmacologic Treatment of Dementia: A Clinical Practice Guideline from the American College of Physicians and the American Academy of Family Physicians. Ann Intern Med. 2008;148:370-378. doi:10.7326/0003-4819-148-5-200803040-00008
[xii] O’Brien JT, Burns A et al. Clinical practice with anti-dementia drugs: a revised (second) consensus statement from the British Association for Psychopharmacology. J Psychopharmacol. 2011 Aug;25(8):997-1019. doi: 10.1177/0269881110387547. Epub 2010 Nov 18.
[xiii] Ainsley Moore, Christopher Patterson, Linda Lee, Isabelle Vedel, and Howard Bergman . Fourth Canadian Consensus Conference on the Diagnosis and Treatment of Dementia: Recommendations for family physicians
Can Fam Physician May 2014 60: 433-438
[xiv] IGSS. Rapport général sur la sécurité sociale au Grand-Duché de Luxembourg. Novembre 2015.
[xv] Demenz. Rapport final du Comité de pilotage en vue de l’établissement d’un plan d’action national « maladies démentielles » tel que approuvé par le Conseil de Gouvernement en date du 13 mars 2013.
http://www.sante.public.lu/fr/politique-sante/plans-action/plan-maladies-dementielles/index.html
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