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Interconnectioun vun den Apdikten

Questions parlementaires Santé et soins Alexander Krieps

Lëtzebuerg gehéiert ze deene Länner an deenen am meeschte Medikamenter consomméiert ginn. Zur gläicher Zäit sinn eis Apdikten net ënnert sech verbonnen, esou dass déi eng net weess wat déi aner dem Client scho verkaaft huet. Den Deputéierten Alexander Krieps freet no op d'Interconnectioun vun den Apdikte keng Optioun wier.

Question

Monsieur le Président,

J’ai l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 80 de notre Règlement interne, je souhaite poser la question parlementaire suivante à Monsieur le Ministre de la Sécurité sociale et à Madame la Ministre de la Santé:

« Depuis des années le Luxembourg figure parmi les tout premiers pays en terme de consommation de médicaments (p.ex. en ce qui concerne les benzodiazépines, les opiacés de synthèse ou encore les antibiotiques).

Un des éléments favorisant une consommation élevée de médicaments réside dans le fait que les pharmacies ne sont actuellement pas encore connectées entre elles, afin de pouvoir suivre de plus près la vente de certains médicaments à certains clients.

Partant, je souhaiterais poser les questions suivantes à Monsieur le Ministre de la Sécurité sociale ainsi qu’à Madame la Ministre de la Santé:

Les Ministres peuvent-ils m’informer si dans le cadre de la digitalisation des données de santé une interconnexion entre les pharmacies est prévue, afin de limiter les abus de consommation susmentionnés?

Dans l’affirmative, dans quel délai cette mesure pourra-t-elle être mise en place?

Dans la négative, quelles seraient les raisons empêchant l’interconnexion des pharmacies? »

Veuillez croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma très haute considération.

Alexander KRIEPS
Député

Réponse conjointe de la Ministre de la Santé et du Ministre de la Sécurité sociale à la question parlementaire n° 2108 de Monsieur le député Alexander Krieps  datée du 1er  juin 2016

Dans sa question parlementaire, Monsieur le député met en exergue la consommation estimée très élevée de certaines classes de médicaments, dont certaines en liaison avec le détournement de leurs usages thérapeutiques. Dans ce contexte il suggère que dans le cadre de la digitalisation des données de santé des patients, l’interconnexion des pharmacies pourrait limiter les phénomènes de mésusages et d’abus de certaines classes de médicaments, et ceci au niveau individuel.

Les consommations élevées c’est-à-dire largement au-dessus de la moyenne des pays participants concernant les médicaments antibiotiques et certaines classes de médicaments psychotropes (benzodiazépines) furent mises en évidence dans le cadre d’études comparatives rétrospectives initiées par des organismes internationaux comme l'Organisation de Coopération et de Développement Économiques (OCDE)[1] et l’European Centre for Disease Prevention and Control (ECDC)[2] à partir des données informatisées des prescriptions remboursées au niveau de la population résidente.

La création de l’Agence eSanté et le développement du Dossier de soins partagé (DSP)[3] peuvent en principe fournir la base pour l’échange des données évoqué par Monsieur le député. La finalité précitée est à la base de la motivation des ministères concernés et de la CNS de s’investir dans ces projets.

Selon le projet e-santé la prescription électronique et l’informatisation des données de santé constituent des avantages indéniables pour le patient individuel puisque ses antécédents documentés permettent un meilleur diagnostic, une meilleure adaptation du traitement entraînant de ce fait moins d’interactions médicamenteuses.

Ceci compte surtout dans le traitement des patients souffrant de plusieurs maladies chroniques pouvant ainsi éviter des consultations auprès de médecins différents, le risque d’une redondance de prescriptions pouvant porter atteinte à la santé du patient.

Les programmes destinés à la surveillance des prescriptions peuvent agir à plusieurs niveaux comportant des bénéfices directs du point de vue santé publique et social.

Ainsi, le risque de mésusage de certaines classes de médicaments comme celle des antibiotiques est estimé important, notamment à cause d’une utilisation inappropriée et/ou non conforme à leur autorisation de mise sur le marché (AMM) ou aux recommandations professionnelles. Une utilisation prudente et contrôlée de cette classe de médicaments  nécessaire pour juguler en partie les phénomènes de résistance antimicrobienne pourrait être mise en œuvre par l’adoption de recommandations professionnelles en antibiothérapie intégrables dans un outil d’aide à la prescription clinique.

Les médicaments placés sous contrôle international comme certains psychotropes de la famille des benzodiazépines ainsi que certains stupéfiants comme les analgésiques opioïdes, indiqués dans le traitement de la douleur, sont largement exposés aux risques de mésusages ainsi qu’aux risques d’abus avec comme conséquences des détournements dans le contexte de la pharmacodépendance ou de la revente. Cette situation est devenue alarmante aux Etats-Unis et décrite comme une épidémie d’abus de médicaments analgésiques opioïdes entraînant de nombreux décès selon l’article « An “Ideal” Prescription-Drug Monitoring Program »  publié ce mois-ci dans le prestigieux New England Journal of Medicine[4]. Même si l’abus d’analgésiques n’atteint pas les niveaux observés aux Etats-Unis, certains pays européens ont observé que les abus et les mésusages sont en évolution.

Les situations d’abus sont en partie liées à la possibilité d’obtenir plusieurs prescriptions simultanées issues de différents prescripteurs par la pratique du nomadisme médical (« doctor shopping »). Pour évaluer et détecter l’abus, il est donc nécessaire de développer des méthodes spécifiques pour mettre en évidence des sujets ou groupes de sujets à partir des caractéristiques telles que le nombre de médecins consultés, nombre de pharmacies visitées, nombre total de délivrances et quantité de médicaments reçus par le patient.

La détection de signaux concernant la procuration aberrante de ces médicaments pourra se faire au niveau de la prescription et/ou délivrance des médicaments à condition que les informations de prescriptions soient disponibles en temps réel. L’efficacité d’un système destiné à la surveillance des prescriptions électroniques n’est pas directement liée à l’interconnexion des lieux finaux de délivrance,  elle dépend surtout du partage des données, de leur consistance et de leur disponibilité immédiate par l’intermédiaire d’une accessibilité facile.

Néanmoins, actuellement la base légale est lacuneuse et le règlement grand-ducal en relation avec le DSP - qui va probablement entrer en procédure au dernier trimestre 2016 -  ne pourra pas clarifier toutes les questions ouvertes. Les questions qu’il reste à résoudre dans ce cadre seraient notamment les suivantes:

  • Avant de discuter de l’échange et de l’accessibilité de données entre pharmaciens ne faudrait-il pas instaurer un tel échange entre médecins prescripteurs, resp. veiller à l’application du dispositif du médecin référent tel que modifié pour éviter au mieux la surconsommation chez des patients à polymorbidités?
  • Comment faut-il traiter des patients qui n’ont pas de DSP ?
  • Est-ce que l’alimentation du DSP et la consultation de son contenu seront obligatoires pour les médecins et pour les pharmaciens, et, le cas échéant, pour quelles données ?
  • Est-ce que le pharmacien a le droit de refuser la délivrance d’un médicament prescrit par un médecin ?

En conclusion, on peut constater que certains préalables comme le dispositif du médecin référent, la création d’une base de données accessible par tous les prestataires de soins, la mise en œuvre du dossier de soins partagé existent ou sont en voie d’élaboration avec comme un des objectifs une médication plus appropriée des patients, mais sans que pour autant il soit à l’heure actuelle clair à qui incombera en fin de compte le devoir de surveiller une médication appropriée.


Alexander Krieps