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Une interdiction des microplastiques au Luxembourg ?

Questions parlementaires Développement durable, nature et environnement Claude Lamberty Max Hahn

D’un point de vue environnemental, ce sont surtout les particules en plastique d’une taille de moins de 5 millimètres qui produisent les dommages les plus polluants dans la nature. Ainsi les microplastiques ingérés par les poissons de mer risquent de se retrouver tôt ou tard dans nos plats. Tandis que ces microplastiques résultent d’un côté d’une dégradation d’éléments plus larges dans la nature, des pièces minuscules en plastique sont ajoutés délibérément à des produits hygiéniques et cosmétiques.

Comme un certain nombre de pays a déjà interdit les microplastiques dans les articles d’hygiène et de cosmétique, les députés Max Hahn et Claude Lamberty se sont renseignés auprès de Madame la Ministre de l’Environnement si un tel pas serait également envisagé par le Luxembourg.

Question

Monsieur le Président,

Par la présente, nous avons l’honneur de vous informer que, conformément à l’article 80 de notre Règlement interne, nous souhaitons poser la question parlementaire suivante à Madame la Ministre de l'Environnement :

« Dans une note du 3 décembre 2014, les délégations belge, néerlandaise, suédoise et autrichienne, soutenues par la délégation luxembourgeoise, ont informé le Conseil européen du besoin urgent d’adresser le problème des particules de plastique microscopiques (« microplastiques » ), et en ont demandé la prohibition dans les articles d’hygiène et de cosmétique.

Entretemps de nombreux pays ont procédé à une interdiction de ces microplastiques dans les produits hygiéniques et cosmétiques, comme p.ex. les Etats-Unis,  la Suède et la Belgique.

Dans ce contexte, nous aimerions poser les questions suivantes à Madame la Ministre de l’Environnement :

  • Madame la Ministre, est-elle au courant des développements dans les pays mentionnés ?
  • Madame la Ministre, est-elle favorable à une telle interdiction ? Dans l’affirmative, existent-ils actuellement des démarches au sein du Ministère de l’Environnement pour élaborer un projet de loi à cet effet ? 
  • Dans le cas d’une interdiction, combien de produits actuellement en vente sur le marché luxembourgeois seraient concernés ? Quelle est la taille de la part de marché de ces produits ?
  • Des évaluations quant à l’impact sur l’industrie et quant aux coûts associés à une interdiction ont-elles été conduites ?
  • Existe-t-il des entreprises luxembourgeoises impliquées dans la production de ces produits ? Dans l’affirmative, quel est leur nombre et leur taille ?
  • Au-delà des produits hygiéniques et cosmétiques, dans quels autres produits se trouvent des microplastiques ?
  • Serait-il judicieux d’interdire les microplastiques en général et non uniquement en relation avec des produits définis ? »

Croyez, nous vous prions, Monsieur le Président, à l’assurance de notre très haute considération.

Max HAHN et Claude LAMBERTY
Députés

Réponse de la Ministre de l'Environnement à la question parlementaire n°3622 du 12 février 2018 des honorables députés Max Hahn et Claude Lamberty

1) Madame la Ministre, est-elle au courant des développements dans les pays mentionnés ?

Des initiatives concernant l’interdiction existent dans divers pays tels que la Suède, les Etats –Unis ou le Canada. Dans d’autres pays, des accords de branche tendent à limiter ou éviter l’utilisation des microplastiques dans les produits cosmétiques. Ceci est par exemple le cas en Suisse et en Autriche.

En ce qui concerne nos voisins directs, la France a interdit la mise sur le marché des produits cosmétiques rincés à usage d’exfoliation ou de nettoyage comportant des particules plastiques solides moyennant le décret n° 2017-291 du 6 mars 2017.

En Belgique une initiative législative pour l’interdiction de produits cosmétiques contenant des microplastiques n’a pas eu lieu. Toutefois, l’Etat fédéral vient de conclure un accord sectoriel avec l’Association belgo-luxembourgeoise des producteurs et des distributeurs de cosmétiques, détergents, produits d'entretien, colles et mastics, biocides et aérosols (DETIC) visant à substituer les microplastiques dans les produits cosmétiques à rincer, y inclus les dentifrices pour fin 2019.

En Allemagne, il existe un engagement volontaire de l’industrie pour réduire les microplastiques dans les produits cosmétiques. Le gouvernement allemand vise par ailleurs une interdiction formelle de ces substances au niveau européen.

2) Madame la Ministre, est-elle favorable à une telle interdiction ? Dans l’affirmative, existent-ils actuellement des démarches au sein du Ministère de l’Environnement pour élaborer un projet de loi à cet effet ?

D’une façon générale, une interdiction de l’utilisation des microplastiques dans les produits cosmétiques est à voir favorablement. Toutefois, étant donné que ces produits sont soumis à  la libre circulation au sein de l’Europe, il serait judicieux qu’une telle interdiction se fasse au niveau communautaire pour qu’elle soit efficace.

3) Dans le cas d’une interdiction, combien de produits actuellement en vente sur le marché luxembourgeois seraient concernés ? Quelle est la taille de la part de marché de ces produits ?

4) Des évaluations quant à l’impact sur l’industrie et quant aux coûts associés à une interdiction ont-elles été conduites ?

L’Administration de l’environnement ne dispose pas d’informations relatives à une enquête sur le nombre de produits qui pourraient être concernés par une telle interdiction. Dès lors, leur part de marché n’est pas connue. En ce qui concerne plus spécifiquement le Luxembourg, il faut s’attendre à ce que la composition des produits en question est en train de varier, ceci au vu que la majorité des produits cosmétique provient de nos pays voisins qui soit ont déjà introduit une interdiction (France), soit ont des accords avec la branche pour réduire les particules de microplastiques dans les produits cosmétiques (Belgique, Allemagne).

5) Existent-ils des entreprises luxembourgeoises impliquées dans la production de ces produits ? Dans l’affirmative, quel est leur nombre et leur taille ?

L’administration de l’environnement ne dispose pas d’informations sur la formulation exacte des produits cosmétiques fabriqués au Luxembourg.

6) Au-delà des produits hygiéniques et cosmétiques, dans quels autres produits se trouvent des microplastiques ?

Il faut distinguer entre les micoplastiques primaires et les microplastiques secondaires.

Les microplastiques primaires sont ceux qui entrent dans la formulation d’un produit pour y remplir une certaine fonctionnalité. Les microplastiques secondaires résultent de la dégradation ou de la fragmentation de matières plastiques et synthétiques.

Une étude effectuée en 2015 pour le compte du Umweltbundesamt de la République fédérale d’Allemagne a permis d’estimer les quantités de microplastiques primaires et secondaires en Allemagne.

Le tableau suivant reprend le résumé des résultats :

Origine des microplastiques

Quantité estimée en tonnes par an

Microplastiques primaires

Produits cosmétiques

500

Produits de nettoyage et de lavage dans le commerce et l’industrie

< 100

Produits de grenaillage pour l’ébarbage de surfaces

< 100

Cires synthétiques micronisées dans des applications techniques

100.000

Microplastiques secondaires

Fragmentation de déchets plastiques

inconnue

Fibres synthétiques provenant de vêtements et d’autres textiles

80 à 400

Perte de pellets dans la production et la transformation de matières plastiques

21.000 à 210.000

Usure des pneus

60.000 à 111.000

Origine de microplastiques primaires et secondaires en Allemagne
(Quellen für Mikroplastik mit Relevanz für den Meeresschutz in Deutschland, Texte 63/2015, Projektnummer 31969 UBA-FB 002147, Umweltbundesamt 2015)

7) Serait-il judicieux d’interdire les microplastiques en général et non uniquement en relation avec des produits définis ?

Une interdiction générale de l’utilisation de microplastiques dans des produits peut contribuer à atténuer les problèmes qui y sont liés.

Toutefois, au vu de ce qui précède, une telle interdiction ne permet pas de résoudre l’entièreté de la problématique. Il faut dès lors agir non seulement au niveau de l’interdiction de produits contenant ces particules, ce qui devrait se faire raisonnablement au niveau européen pour être efficace. Il faut aussi agir au niveau national pour réduire les sources de microplastiques secondaires.

Les actions actuelles du Gouvernement visent principalement la lutte contre le littering et la prévention de déchets plastiques notamment par la réduction de produits plastiques à usage unique (sacs d’achat à usage unique, gobelet consignés, barquettes pour aliments, etc.).

D’un autre côté, il faut également agir au niveau du traitement des eaux usées par la mise en place des infrastructures nécessaires pour filtrer les microplastiques des effluents aqueux.

 


Max Hahn

Claude Lamberty